Genève, Lausanne et Fribourg disent non à la pub !

La journée sans achat, agendée tous les ans le dernier samedi de novembre, est une initiative
promue dans de nombreux pays en réaction au Black Friday, qui marque le début des soldes aux
Etats-Unis. Cette année, trois villes romandes – Genève, Lausanne et Fribourg – se sont mobilisées
à cette occasion pour dénoncer l’emprise de l’affichage publicitaire dans l’espace public.
Trois collectifs réunissant chacun une trentaine de militants ont ainsi recouvert plusieurs centaines
de panneaux à vocation commerciale, leur substituant des contre-slogans (« Nuit gravement au
climat », « Mon regard n’est pas à vendre », « La pub, marée noire sur matière grise », « Ni pub ni
soumise », etc.), des surfaces vierges et des œuvres artistiques (peintures, photographies, dessins
d’enfants).
Avec cette action, le FLIP (Front de libération de l’invasion publicitaire) et le ROC (Réseau objection
de Croissance) entendent affirmer qu’une ville sans publicité est non seulement possible, mais
également souhaitable. L’apport économique de ces panneaux aux caisses communales est
moindre (à Fribourg, 0,1% du budget annuel !), alors que les conséquences de ce matraquage
incessant sont des plus lourdes, tant d’un point de vue social – en alimentant sans cesse la
frustration et le mythe du bonheur par l’acte d’achat – qu’écologique – en poussant à la
surconsommation et à l’épuisement des ressources.
Projets culturels, initiatives locales et de quartier, expositions artistiques ne sont que des exemples
d’affectation de ces panneaux qui contribueraient à améliorer la qualité de notre environnement
urbain. L’espace public serait ainsi rendu à la population et libéré des injonctions à la
consommation qui nuisent au vivre ensemble en réduisant les habitants à leur statut de
consommateurs.
Parce que notre regard n’est pas à vendre, nous revendiquons une liberté de réception qui nous
est aujourd’hui niée : s’il est possible de se protéger contre la publicité dans sa boîte à lettres, sur
internet ou par téléphone, personne n’est épargné par les rêves en plastique qu’affichent les
publicitaires dans les rues.
D’autres villes, en Europe comme ailleurs (Grenoble, Sao Paulo, Forcalquier), ont déjà fait le pas et
banni l’affichage commercial. A quand la première ville romande pionnière dans ce domaine ?

Emission RTS

Fribourg

DIX IDEES REÇUES
A PROPOS DE LA PUBLICITE

  1. La publicité, c’est le moteur de l’économie
    « Si la publicité ne servait à rien, cela se saurait » affirme à raison Jacques Séguéla, le chef de
    meute des publicitaires. Reste à savoir à qui elle sert et quel modèle économique elle défend.
    L’affichage publicitaire est en effet la prérogative d’un nombre restreint de grandes entreprises,
    qui disposent des moyens nécessaires pour ce type de promotion et qui contrôlent le 95% du
    marché publicitaire. Ce ne sont pas la boulangerie, le bistrot ou la petite boutique du coin qui
    s’affichent pour vanter leur pain, leur plats ou leurs habits ; ce sont la grande distribution,
    l’industrie de la malbouffe ou les fabriques du textile qui font de la pub dans nos rues. La défense
    des petits commerces de quartier, pourvoyeurs de liens sociaux et de qualité de vie, ainsi que le
    soutien à une économie locale et à taille humaine, passent ainsi également par l’abolition de la
    publicité commerciale.
  1. La publicité, c’est une manne pour les caisses publiques
    À Fribourg, l’affichage publicitaire rapporte 300’000 francs aux caisses communales. Sur un budget
    annuel de 252 millions, il ne s’agit donc que de 0,12% du budget total – et ce chiffre pourrait
    encore être revu à la baisse en tenant compte des coûts indirects de la publicité (par exemple en
    termes de santé communautaire, de prévention du surendettement, etc.). La ville dispose d’un
    parc d’environ 400 panneaux, de différents formats, qu’elle loue en exclusivité à la SGA pour un
    prix moyen d’environ 750 francs par an. La SGA reloue ensuite aux entreprises privées ces mêmes
    surfaces, à des tarifs oscillant entre 300 et 600 francs par semaine, c’est-à-dire à un prix 20 à 40
    fois supérieur au prix de location initial. Le regard des habitantEs n’est pas seulement mis en vente
    sans qu’ils et elles aient leur mot à dire là-dessus, mais il est véritablement bradé.
  1. La publicité, c’est la liberté d’expression
    La prétendue « liberté d’expression » octroyée par la publicité est un privilège offert à très peu
    d’acteurs économiques, dont les conséquences s’étendent toutefois à l’ensemble de la population,
    bafouant ainsi une autre liberté : celle de non-réception. Alors que vous pouvez coller un adhésif
    sur votre boite à lettres ; apposer une étoile noire à coté de votre numéro de téléphone (ne serait-
    ce que pour la beauté du geste…) ; télécharger un programme qui bloque certaines bannières
    publicitaires sur votre écran ; zapper l’énième annonce publicitaire à la télévision ou refuser de lire
    un journal vendu aux annonceurs, vous ne pouvez pas, dans la rue ou au volant, fermer les yeux
    devant les affiches publicitaires sans vous mettre en danger. Ces images, ces slogans et les valeurs
    qu’ils véhiculent vous sont ainsi imposés et n’épargnent personne – enfants y compris. Se libérer
    de la publicité, c’est faire valoir un droit de non-réception aujourd’hui inexistant.
  1. La publicité égaie les rues de la ville
    « Sans publicité, on reviendrait aux murs gris de l’Union soviétique ! ». C’est ce genre d’objections
    qui, peut-être, témoignent le mieux du viol de l’imaginaire opéré par le matraquage publicitaire.
    Entre le gris d’un bloc de béton et le bonheur au parfum de plastique de la publicité, il existe
    quelques milliers d’alternatives possibles, allant du projet culturel aux initiatives artistiques, en
    passant par la créativité des écoles, des sociétés locales, des maisons de quartier – autant d’usages
    qui, eux, égayeraient véritablement les rues d’une ville ! Il convient par ailleurs de rappeler que les
    communes sont déjà largement sensibilisées à l’aspect anti-esthétique de la publicité
    commerciale. À Fribourg, on ne trouve guère d’affiches aux alentours de la cathédrale ou dans les
    rues à vocation touristique (rue de Lausanne et Basse-ville) : leur présence porterait atteinte au
    patrimoine artistique et historique de la Ville. Dès lors, pourquoi ne pas postuler qu’une ville
    entièrement sans pub, valorisant le tissu culturel et le talent des artistes locaux, bénéficierait d’un
    fort retour d’image ?

Genève

Communiqué de presse

Action antipublicitaire

« NUIT GRAVEMENT AU CLIMAT ! »
Aux représentant-e-s de la presse et des médias, Genève, le 26 novembre 2015

Madame, Monsieur,

Le samedi 28 novembre est « la journée sans achats » (buy nothing day), que le Réseau Objection de Croissance de Genève célèbre chaque année avec des actions symboliques.

A  l’aube de la COP21, c’est aussi la date du début des Marches Mondiales pour le Climat1, qui demandent à nos gouvernants qu’ils s’engagent pour une réduction substantielle des émissions de gaz à effet de serre. Cette réduction ne sera pas possible sans que nous abandonnions l’idée folle que la croissance économique (que nous ne savons pas entretenir sans croissance de la consommation de matières et d’énergie) est encore souhaitable dans nos pays industrialisés.

L’incohérence, l’inaction ou l’hypocrisie de nos gouvernants au sujet du réchauffement climatique est particulièrement évidente dans leur double discours à propos de la consommation. D’un côté nos gouvernants déchargent sur les citoyens la responsabilité de la réduction d’émissions à effet de serre (le « consommateur responsable », le « consommacteur »), de l’autre ils refusent une sérieuse règlementation des trois moteurs principaux de la consommation excessive : l’obsolescence programmée, le crédit à la consommation et la publicité.

C’est à la publicité dans les lieux publics que notre action s’attaque. Avec la publicité dans les lieux publics, notre attention de citoyens est vendue sans notre consentement. Le manque de règles adaptées à la menace climatique traduit de façon évidente l’inaction de nos gouvernants à ce sujet.

TABAC, CLIMAT, MEME COMBAT !

Par l’apposition d’autocollants « NUIT GRAVEMENT AU CLIMAT » sur les affiches concernant des produits indiscutablement nuisibles pour le climat, le Réseau Objection de Croissance de Genève demande que nos gouvernants rendent ces avertissements obligatoires, et veut stimuler un débat plus large sur les méfaits de la publicité, de la consommation et de la production matérielle.

D’autres actions de contestation de l’emprise publicitaire dans l’espace public auront lieu également dans  les villes de Lausanne et Fribourg ainsi qu’ailleurs à Genève samedi 28 novembre, en concomitance avec la journée sans achat. Au bord de la Sarine, des initiatives semblables avaient déjà été mises sur pied en juin et en septembre 2015 (FLIP). Pour la première fois, la critique de l’industrie publicitaire essaime et prendra donc une dimension romande.

  1. La publicité n’influence personne
    Les publicitaires minimisent régulièrement l’impact de leur activité sur les consommateurs (et on
    les comprend : personne n’aime entendre qu’il se fait manipuler !), sauf à présenter ensuite la
    publicité comme l’arme ultime de persuasion quand il s’agit de vendre leurs services aux
    entreprises. En Suisse, le marché publicitaire a un budget comparable à celui de l’armée : 4,7
    milliards au total, dont 420 millions rien que pour l’affichage. Si les entreprises investissent de
    telles sommes, il semble légitime de penser que leur retour sur investissement doit être bien
    supérieur : la pub existe bel et bien pour influencer le comportement des consommateurs, dans le
    but de créer une adéquation entre les désirs des clients et les stocks de marchandises et de
    services offerts. De nombreuses études prouvent enfin la redoutable efficacité de la publicité : on
    estime en effet qu’un enfant, avant de savoir lire, reconnaît déjà 70 logos de marques, et 400 à
    l’âge de dix ans. À titre de comparaison, à la fin du cycle primaire, la moyenne des enfants parvient
    à identifier tout au plus une trentaine d’espèces végétales…
  1. La publicité, c’est une source d’informations pour le consommateur
    D’après les agences de com’, « informer en amusant » serait la vocation première de la publicité.
    Outre le fait que, en matière d’impartialité, on peut douter de l’objectivité de l’avis du producteur
    sur… son propre produit, quelles seraient ces informations précieuses et drôles que nous
    fourniraient les affiches publicitaires ? Celles-ci ne contiennent bien souvent pas la moindre
    indication du processus de fabrication, des conditions sociales de production ou de l’impact
    écologique de la marchandise publicisée. Et pour cause : si le client avait connaissance de
    l’ensemble des procédés des chaînes de production industrielles, dont les scandales se succèdent
    ces dernières années, le chiffre d’affaire coulerait à pic. La mission de la publicité, ce n’est pas
    l’information, mais la désinformation. La publicité est un discours idéologique qui conduit à ne
    plus voir les réalités et les valeurs de la vie que comme des marchandises qui s’achètent et qui se
    vendent ; c’est un hymne au matérialisme qui nous aveugle sur les dimensions de l’être, sur les
    êtres eux-mêmes et sur les conséquences de notre hyperconsommation. Est-ce vraiment
    amusant ?
  1. La publicité, c’est une forme d’art
    Si l’art a pour but d’élever les esprits, la publicité n’hésite pas à titiller les pulsions les plus basses
    chez l’être humain. Si l’œuvre culturelle a pour but de susciter chez celle ou celui qui la contemple
    une réflexion, toujours renouvelée et plurielle, la publicité ne fait que susciter un seul réflexe,
    toujours identique : celui de mettre la main au porte-monnaie. La publicité n’a qu’une seule raison
    d’être : nous pousser à consommer, par tous les moyens et en tous lieux. Par ses techniques de
    manipulation, elle assèche notre imaginaire et pollue nos esprits en nous suggérant sans cesse que
    notre bonheur dépend de notre pouvoir d’achat.

Lausanne

  1. La publicité, ça met de bonne humeur
    Humour, ironie, clin d’œil et deuxième degré figurent parmi les stratégies de communication les
    plus fréquemment utilisées par la publicité. De là à en conclure que la pub contribue à nous rendre
    joyeux, il y a toutefois un pas à ne pas franchir. Ce qui advient est en réalité exactement le
    contraire : la publicité est une immense machine qui ne peut carburer qu’en jouant sans cesse
    avec notre frustration, notre insatisfaction. Il s’agit d’une fuite en avant sans fin, car le « bonheur »
    qu’on achète est toujours éphémère : de nouveaux produits viendront remplacer les anciens et
    demanderont bientôt de nouvelles dépenses, et ainsi de suite. Le cauchemar des publicitaires, ce
    sont les gens heureux, car ceux-ci consomment moins et d’une manière qui n’est ni compulsive ni
    palliative : leurs désirs sont authentiques et non préfabriqués.
  1. La publicité n’est pas agressive
    Chaque jour, dans notre environnement physique aussi bien que dans les médias, nous sommes
    exposé-e-s à des centaines de messages publicitaires. Si l’on comptabilise également les stimuli
    commerciaux au sens large (enseignes, logos sur les habits, inscriptions sur les produits, etc.), le
    total se chiffre à plusieurs milliers de messages. La publicité est donc agressive, tant d’un point de
    vue quantitatif que qualitatif : d’une part, à cause de sa surabondance et de son omniprésence ;
    de l’autre, parce que, dans un contexte aussi saturé, les publicités n’ont d’autre choix que d’être
    tape-à-l’œil pour s’imposer à notre attention, colonisant des espaces toujours plus nombreux. On
    ne peut pas séparer la publicité de ses excès, tout simplement parce que ce n’est que par ses
    excès que la publicité peut avoir de l’effet.
  1. La critique de la publicité, c’est un truc de gauchistes soixante-huitards
    Un rapport de l’ONU a analysé en 2014 les répercussions que la publicité et les pratiques
    commerciales ont sur l’exercice des droits culturels, en s’intéressant en particulier à la liberté de
    pensée, d’opinion et d’expression, à la diversité des cultures et des modes de vie, aux droits des
    enfants à l’éducation et aux loisirs, à la liberté académique et artistique, au droit de participer à la
    vie culturelle et de jouir des arts. Passant en revue les nouvelles tendances des stratégies
    publicitaires et commerciales, le rapport « s’inquiète de la présence disproportionnée de publicités
    et du marketing dans les espaces publics, de la quantité sidérante de messages publicitaires et
    promotionnels que chacun reçoit chaque jour, de la diffusion systématique et intégrée de ces
    communications à l’aide d’un grand nombre de médias, et l’utilisation de techniques visant à court circuiter les modes rationnels de prise de décision. »

Au plaisir de vous rencontrer en « vrai » à nos coordinations les 8 de chaque mois ou à d’autre action du ROC-GE