Une société sans publicité ? – La publicité sert-elle à informer ou désinformer ?
- La pub invite-elle à surconsommer ?
- Peut-on libérer l’espace public de la publicité ?
Ada Bernier – Amsellem , membre du GLIP Lucas Luisoni , membre du ROC-Genève
Historique :
Dès sa constitution en 2008, le Réseau Objection de Croissance a condamné la publicité et mené
régulièrement des actions antipub (journée mondiale sans achats, journée mondiale antipub, campagne « nuit
gravement au climat », campagne « Notre attention n’est pas à vendre », etc.)
Dans sa charte, le ROC-GE mentionne que ses membres s’engagent « pour une information honnête et
responsable, contre les pratiques manipulatrices de la publicité »
En janvier-février 2017, les panneaux d’affichage laissés temporairement vierges ont ouvert un champ
d’expérience inédit. Ils ont libéré un espace, répondant ainsi à un besoin d’expression citoyenne et artistique,
stimulant des interactions sociales spontanées et contribuant au renforcement de la cohésion sociale.
Saisissant l’opportunité de relancer le débat sur la publicité dans l’espace public genevois, le ROC a stimulé
une réflexion dès le mois de mars lors des « Vendredis de la Transition ». L’initiative municipale (Ville de
Genève) « Genève Zéro Pub » est née ainsi d’un travail conjoint des organisations de la société civile
suivantes :
– Réseau Objection Croissance Genève (ROC-GE) : https://decroissance.ch/
– Genève libérée de l’invasion publicitaire (GLIP) : https://m.facebook.com/p/GLIP-Gen%C3%A8ve-Lib%C3%A9r%C3%A9e-de-lInvasion-Publicitaire-100068292579698/?locale=hi_IN
– Collectif Genève Sans Publicité : https://www.facebook.com/Genevesanspubs/?locale=fr_FR
– Quartiers Collaboratifs : https://quartiers-collaboratifs.ch/
Les débats animés aboutirent au texte suivant :
« Genève Zéro Pub » Libérons nos rues de la publicité commerciale !
Les autorités de la Ville de Genève sont chargées de mettre en œuvre une politique cohérente de gestion de
l’affichage, dans le respect de la législation cantonale, en appliquant les principes suivants :
- privilégier la qualité du paysage urbain genevois en libérant l’espace public de la publicité commerciale par
voie d’affichage; - faciliter la mobilité de tou-te-s, en particulier les personnes en situation de handicap, dont les malvoyant-e-
s, en supprimant les panneaux qui font obstacle aux déplacements par leur emprise physique sur les
espaces piétonniers; - mettre à disposition des associations et institutions locales des panneaux permettant la communication par
voie d’affichage de leurs informations et activités, ainsi que d’évènements artistiques et culturels; - mettre à disposition des habitant-e-s des panneaux vierges destinés à l’expression libre, citoyenne et
artistique; - conserver un équilibre entre expression libre et publicité associative, caritative, culturelle et évènementielle
sur l’espace public réservé à cet effet, en facilitant son accessibilité aux organisations à but non lucratif.
Ces principes seront mis en œuvre dans les plus brefs délais possibles, compte tenu des contraintes légales,
ainsi que des engagements contractuels en vigueur à la date d’adoption de la présente initiative.
La récolte des signatures aboutit en novembre 2017. En janvier 2018, l’initiative est déclarée recevable.
Le 23 mai 2018, le Conseil d’Etat en invalidant les 2 premiers points de l’initiative, la vide de sa substance.
En juin 2018, le comité d’initiative fait recours contre le Conseil d’Etat. La cour constitutionnelle invalide la
décision du CE par arrêt du 31 octobre. Une belle victoire !
Le conseil d’Etat déclare enfin valide l’initiative en avril 2019, mais M. Boris Calame, soutenu par la faîtière
Communication Suisse (on n’a pas la preuve concrète de cela !) dépose recours contre cette décision le 23
mai 2019.
A ce jour, la cour constitutionnelle n’a pas encore statué sur ce recours…
Exposé des motifs
La publicité commerciale : nuit à la qualité du paysage et de l’urbanisme dans l’espace public; Constitue une pollution visuelle; en effet, elle mobilise notre attention sans notre consentement, sans possibilité de l’éviter ou de l’ignorer.
Vise moins à informer qu’à stimuler des désirs de consommation; elle contribue à la surconsommation, à l’obsolescence programmée et au surendettement;
Contribue, par la surconsommation, à aggraver l’impact des activités humaines sur l’environnement, en particulier sur les ressources naturelles et sur le réchauffement climatique;
Nuit à la mobilité, notamment des personnes en situation de handicap (personnes malvoyantes, à mobilité
réduite, etc.);
Fragilise le tissu économique local, de nombreuses entreprises n’ont pas les moyens d’y recourir.
Les spécialistes estiment que chacun-e reçoit quotidiennement 1000-2000 stimuli publicitaires. Ce chiffre se
monterait à 15’000 si l’on y inclut les logos. Dans la course à la visibilité à laquelle se livrent les entreprises,
les individus soumis à la pub subissent une sur-stimulation d’images, de messages, d’injonctions. Cette sur-
stimulation est nuisible : troubles de l’attention, hyperactivité, nervosité, frustrations, manipulations. Mais pour
les entreprises, cela sert à dominer leurs concurrentes en visibilité en appliquant un principe qui a fait ses
preuves : la répétition. Plus la concurrence est aigüe, plus le besoin de répétition du message publicitaire sera
fort : c’est la pression publicitaire.
La publicité va bien au-delà du fait de rendre une chose « publique ». Elle fait de la satisfaction des désirs et
fantaisies un but aussi respectable que la satisfaction des besoins primaires. Elle permet à des produits de
devenir des symboles de réussite sociale et de prestige. Elle n’est ni exhaustive sur l’assortiment disponible,
ni honnête sur la qualité des produits. Elle cherche simplement à augmenter la désirabilité des produits pour
pouvoir augmenter leurs marges de profit (parfums, cosmétiques, produits de luxe dont le coût de production
est risible, comparé au prix de vente).
L’affichage publicitaire est une location privée du domaine public, au même titre que le serait un food-truck, ou
un cirque sur la place publique. Cependant, l’objet de cette location est, non pas de donner au privé la
possibilité de vendre un produit/des billets de spectacle, à des consommateurs potentiels, mais d’accorder un
accès immédiat à l’attention des passant-e-s. C’est le regard des passant-e-s, à qui l’on impose de voir la
publicité, qui est monétisé et « vendu » à des privés. L’attention en détermine même le prix (on parle
d’Opportunity To See pour fixer le prix selon le niveau de visibilité du panneau). C’est pourquoi on estime que
l’affichage publicitaire, contrairement à la TV ou à la boîte aux lettres, empêche la liberté de consommer ou
non la publicité. L’affichage fait des utilisat-eurs-rices de l’espace public de simples consommat-eurs-rices.
Chacun-e paye la publicité, dont le prix est imputé sur le prix du produit. Pourtant, l publicité ne contribue pas
à réduire le prix de vente, au contraire. Dans les faits, les grands groupes se livrent une guerre commerciale
(en publicité, en marketing) afin d’éliminer leurs concurrents et avoir tout loisir de fixer librement leurs prix de
vente. L’affichage publicitaire, parce que son accessibilité dépend des ressources financières des entreprises,
est anti-démocratique et favorise les cartels et la concentration des entreprises.
Le contenu des publicités entre en conflit avec les politiques publiques. Si ces dernières tentent de réduire
l’usage des voitures, en particulier des gros polluants (SUV, etc) en ville, est-ce pour laisser les murs de la
ville faire la part belle à ces grosses voitures, qui plus est les figurant comme l’expression ultime de la réussite
sociale ?
Enfin, il est erroné de croire la place de la publicité en Suisse minime par rapport aux pays voisins : le nombre
de panneaux d’affichage par habitant est en Suisse largement supérieur (100’000 en CH), à celui de la France
(106’500), et de l’Allemagne (345’000). Les Suisses sont donc soumis à une pression publicitaire nettement
plus forte que leurs homologues français et allemands, même si celle-ci semble moins concentrée à priori. En
plus des centres urbains, ce sont désormais les paysages ruraux, en particulier les stations de ski, qui sont
assaillis de publicités. L’atteinte au paysage et à la tranquillité des lieux y est d’autant plus flagrante que dans
la ville, le mobilier urbain dépend de la publicité depuis près d’un siècle.
Stand du ROC-GE
Au plaisir de vous rencontrer en « vrai » à nos coordinations les 8 de chaque mois ou à d’autre action du ROC-GE