L’ATS nous informe d’une étude publiée à Genève par le Bureau international du travail (BIT) qui explique que
Le partage du travail en période de crise est un outil efficace. L’expérience de la récession de 2008-2009 dans les pays industrialisés a montré qu’il permet de préserver des emplois. L’étude de 310 pages montre que “si les politiques de partage du travail sont bien conçues et mises en oeuvre, le résultat peut être bénéfique pour tous”, ont expliqué ses auteurs Jon Messenger et Naj Ghosheh.«Les travailleurs peuvent conserver leur emploi, les entreprises peuvent surmonter la crise et se positionner pour le moment où la croissance repartira, tandis que la réduction du coût du chômage et de l’exclusion sociale profite aux pouvoirs publics et à la société dans son ensemble».
S’ensuit l’exemple de différents pays (Allemagne, Etats-Unis, Japon et Belgique) qui ont judicieusement entrepris ces mesures de partage du travail.
Avant tout, remercions le BIT de cette étude qui a le mérite de bien montrer que la réduction du temps de travail est quelque chose de profitable à toutes et tous. Dans nos sociétés en récession où le chômage est grandissant et le plein emploi est désormais un mythe, la plupart des observateurs conviennent qu’il s’agit de trouver d’autres modèles pour organiser le travail. Les idéologies du “travailler plus pour gagner plus” qui aiguillent encore nos sociétés provoquent autant d’aberrations que de maladies: pas étonnant puisque la pénibilité au travail ne cesse d’augmenter. Pourtant, l’ère du “perdre sa vie à la gagner” est récente, il semble que durant les âges nos ancêtres s’y sont plutôt écartés dès qu’ils le pouvaient. Comme le montre bien le penseur de la décroissance Paul Ariès, c’est l’avènement de l’économie de marché qui a provoqué cet inversion du cycle marchand, passant d’une acquisition de marchandises qui nous étaient utiles à une production basée sur l’accumulation et l’accélération.
Contrairement à ce qu’affirme le BIT dans cette étude, qui planche sur le retour de la croissance, celle-ci est désormais un leurre. Il est donc indispensable de sortir de la logique marchande du travail, le progrès technique n’ayant pas permis de nous sortir de l’aliénation par le travail, il nous faut reconsidérer ce qui est produit et ses conditions de production, afin de respecter les limites écologiques de la planète ainsi que les travailleuses et travailleurs. L’idée du partage drastique du temps de travail est un des moyens que défendent les tenants de la décroissance pour sortir du paradigme productiviste et entamer la transition écologique, comme l’explique Vincent Liegey du Parti pour la décroissance (PPLD) en France, qui propose trois scenarii pour entamer ce changement :
– l’extension des alternatives concrètes, qui peu à peu transforment par la base la société ;
– la prise de pouvoir révolutionnaire et le partage du temps de travail : le temps est réinvesti dans une plus forte participation à la vie de la cité ;
– la mise en place à l’échelle européenne d’un revenu inconditionnel d’existence, qui localement se décline en dotation d’autonomie.
Les penseurs de la décroissance posent la question du partage du travail dans l’idée même d’un partage plus juste des richesses. Nous savons en effet que le gâteau, le PIB mondial, ne peut plus grossir. Dans ce contexte, plusieurs pistes sont avancées, par exemple l’idée d’un revenu maximum autorisé, et celle d’un revenu inconditionnel de base, ou dotation inconditionnelle d’autonomie.
A cet égard, soulignons en Europe le lancement de l’initiative citoyenne européenne pour le revenu de base, et en Suisse l’initiative “Pour un revenu de base inconditionnel” en passe d’atteindre les 130’000 signatures. Des initiatives qui permettent de proposer des idées concrètes pour revaloriser la sphère non-marchande, qui demeure totalement absente des calculs du PIB et qui pourtant est une importante pourvoyeuse de richesse. Une étude mandatée par l’Institut de l’ONU pour le développement social (UNRISD), menée dans huit pays de différents continents, dont la Suisse, nous dit que le volume du travail non rémunéré dans la famille (le Care), représentait dans notre pays, en 2004, 8’500 millions d’heures, et celui du travail rémunéré 7’000 millions d’heures. En Suisse, le travail non rémunéré dépasse donc de 20 pourcents le travail rémunéré…
Partager le travail, et assurer un socle de sécurité sociale à travers un revenu de base, c’est donc donner la possibilité à toutes et tous de choisir librement une activité, salariée ou non, et de pouvoir baisser drastiquement son temps de travail pour s’affairer à de multiples activités qui forgent notre tissu social (bénévolat, formation, éducation, art, entre-aide, voisinage, etc.) actuellement jugées comme improductives mais qui pourtant apportent du sens à nos sociétés gangrénées par le Dieu travail.
Julien Cart, membre du ROC-Genève
En ce qui concerne la RTT en Belgique et en Allemagne ne nous emballons pas -)
http://www.ilo.org/global/topics/working-conditions/working-time/lang–fr/index.htm
En Belgique : c’est surtout du chômage économique (étendu aux employés) et crédit temps « de crise » pour la Belgique = conséquences « mesures de crise » et de manière générale (bel ou all) ce sont des mesures financées par la collectivité (et par le travailleur via perte de salaire, pour éviter licenciement…), supposées temporaires
“En Allemagne, pays où la durée du travail relève des conventions collectives de chaque branche professionnelle (dans la limite de 48h/semaine en moyenne imposée par la loi), des accords de RCTT ont été arrachés par les organisations syndicales, cinq branches ayant une durée du travail de 35 heures hebdomadaires (comme en France) et notamment la métallurgie depuis 1990. Des restrictions et compensations ont toutefois été obtenues par le patronat et étendues en 2003 avec le concours actif du gouvernement « de gauche » de Gerhard Schröder. ”
Michèle Gilkinet OC belge