L’agriculture contractuelle de proximité
Invités du café-décroissance du 5 novembre dernier, Hansjoerg Haas et François Türk œuvrent pour faire connaitre et développer l’agriculture contractuelle de proximité (ACP), à travers des projets qui revalorisent le travail des petits producteurs locaux, tout en établissant de solides liens sociaux entre producteurs et consommateurs. Ils sont notamment à l’origine de la création des Paniers bios à 2 roues, et de la Plateforme Bio, deux initiatives qui rencontrent un vif succès à Lausanne et dans les communes avoisinantes.
La coopérative P2R, lancée en septembre 2012, compte à ce jour environ 240 membres. A la différence de la plupart des ACP, P2R ne produit pas ses propres marchandises mais travaille avec six producteurs locaux, également membres de la coopérative. Dans un souci de cohérence écologique, les livraisons de paniers s’effectuent à vélo, et non pas en camionnette, comme c’est le cas dans d’autres systèmes d’ACP. A noter qu’en matière de prix, ceux que pratique la coopérative sont globalement moins onéreux que les tarifs des produits bios commercialisés par les deux géants suisses de l’alimentaire (environ 30% plus élevés chez ces derniers, selon Hansjoerg). La raison à cela : pas ou peu d’emballage, pas de publicité et des coûts de transport fortement réduits.
En parallèle, afin de toucher un public plus large et diversifié, Hansjoerg a également lancé le projet de la Plateforme Bio, qui fournit quant à elle des collectivités publiques en fruits et légumes bios, également issus d’une production locale. A l’heure actuelle, la Plateforme Bio compte par exemple une quinzaine de garderies lausannoises parmi ses membres.
Au-delà de la démarche écologique, c’est également une aventure sociale qui prend forme, puisque des liens solides s’établissent entre les différents membres de la coopérative. Pour les consommateurs, c’est une possibilité de découvrir et de mieux connaitre le milieu agricole, et d’apprécier autrement la valeur d’une alimentation locale et de saison, en allant occasionnellement travailler aux champs avec les producteurs. Par ailleurs, de telles initiatives sont également une possibilité de contourner les grosses chaînes de distribution, à l’égard desquelles François et Hansjoerg sont pour le moins hostiles. Ils en dénoncent entre autre les agissements peu scrupuleux envers les producteurs, victimes de leurs monopoles, de leur politiques de prix, mais également de la publicité mensongère, entre autre à l’égard des produits dits bio et locaux (souvent produits et emballés dans différentes localités de Suisse, parfois relativement éloignées).
Si dans l’ensemble, François Türk et Hansjoerg Haas ont en commun un grand nombre de valeurs et de principes, leurs idées quant à la manière de les diffuser et les mettre en pratique diffèrent sensiblement. Pour sa part, François Türk souhaite maintenir une production et une distribution à petite échelle, qu’il estime être garante des valeurs sociales et humaines des ACP, mais également de la qualité des marchandises. Selon lui, augmenter la taille et la capacité des coopératives d’ACP au-delà d’un certain seuil fait courir le risque de rallier le modèle industriel, moins enclin à favoriser la démarche avant tout écologique et sociale, qui est à la base de tels projets. Cependant, il admet que cette vision à petite échelle restreint considérablement le potentiel d’action et la diffusion des idées. Soucieux de bousculer les consciences et de toucher davantage de monde, Hansjoerg souhaite quant à lui élargir le potentiel d’action des ACP, sans pour autant amoindrir la qualité des marchandises et des relations, ni s’éloigner de l’argument écologique à la base de ces alternatives. Convaincu qu’une décroissance économique et matérielle est indispensable, Hansjoerg conclut son intervention sur la nécessité d’une croissance organique, jolie expression de son invention pour désigner l’acroissement des qualités humaines, des relations et de la créativité de l’esprit, de même que la notion de respect envers l’humain et la nature.